Les mythes en montage



Une fois n'est pas coutume, je pousse un coup de gueule pour dénoncer des idées reçues sur le métier de monteur. Oui, comme dans toutes les professions, il y a quelques légendes qui circulent à ce sujet, le monteur étant souvent vu comme une sorte de magicien capable de l'impossible, ou comme un être maléfique qui manipule images et propos dans le but de tromper le spectateur. N'importe quel monteur (ayant été) en activité a, un jour ou l'autre, été confronté à ces préjugés.

Voici donc un petit billet pour rétablir quelques vérités et briser le mythe.
  • Le monteur ne fait pas de miracle
    C'est sans doute le fantasme n°1 dans ce métier. On s'image, à tort, qu'un monteur peut prendre n'importe quelles vidéos, les assembler, et en sortir un chef d’œuvre. Nombreux jeunes réalisateurs pensent qu'il suffit de confier des rushes à un monteur pour que je ne sais quelle magie opère. Comment dire... Ici, j'y oppose une vérité toute mathématique : le monteur fait avec ce qu'il a. Ça peut sembler ridicule de le préciser, mais par expérience, j'ai déjà vécu des situations où un "producteur" plein de dédains et de préjugés avait tourné n'importe comment son film et réclamait ensuite des miracles (sic). Disons que si je n'ai que des plans en extérieur sur mon banc de montage, je ne peux pas monter la scène en intérieur. Ce n'est pas une question de mauvaise volonté, c'est juste que c'est impossible. Si un dialogue a été filmé sous un seul axe, je ne peux pas faire un champ/contre champ. Là encore, ce n'est pas que je n'y mets pas du mien, c'est juste que c'est encore impossible. Le montage ne sert pas à faire de la mise en scène, c'est une phase complémentaire de la mise en scène.

  • Le monteur n'est pas un manipulateur
    On entend souvent dire"il y a eu un montage", notamment aux infos ou en reportage, quand il s'agit de témoignage, ou de personnalités politiques. Alors là dessus oui, il est tout à fait possible d'orienter et d'influencer la perception d'un spectateur sur un évènement ou un discours montré, mais en aucun cas on ne peut faire dire à une personne ce qu'elle n'a pas dit. Comme dans toute profession, le montage a aussi une éthique, que chaque monteur responsable respecte. Si on prend le cas d'un journal télévisé, il est évident que si un discours fait, disons cinq minutes, et que le journaliste ne peut en présenter que trente secondes, le monteur ne pourra conserver que 10% du discours. Alors, il doit (généralement en accord avec le journaliste) sélectionné, choisir ce qu'il garde et ce qu'il rejette, et être synthétique. On peut effectivement regretté que ce genre de système laisse peu de place aux nuances et aille à l’essentiel. MAIS l’essentiel de ce discours est bien restitué. A aucun moment dans le processus il n'a été question de remodeler le discours.

  • Le monteur ne rattrape pas des erreurs de tournage
    Il m'est déjà arrivé, en dérushant des prises sons, d'entendre la fameuse phrase "c'est pas grave, on verra ça au montage". Je frissonne à chaque fois que je l'entend, car si, c'est grave. Disons qu'un tournage sert à fabriquer de la matière première, et que le montage sert à la mettre en forme. S'il n'y a pas de matière première, le monteur n'a rien à mettre en forme. Si la matière première est de mauvaise qualité, la mise en forme peut être bonne, mais présentera un contenu de mauvaise qualité. C'est aussi simple que ça. Une fois en salle de montage, tout est joué.

On peut se poser la question. Pourquoi tous ces mythes existent? Je n'y ai pas trouvé de réponse toute faite. Il y a plusieurs raisons.

Tout d'abord, si on regarde les débuts de l'histoire du cinéma, les soviétiques démontraient qu'on pouvait faire beaucoup en montage (voir l'effet Koulechov). Et il est vrai qu'un monteur peut, avec divers astuces, mettre en valeur un comédien et rehausser son jeu. L'histoire du cinéma a de nombreuses anecdotes là dessus. Mais ce travail consiste vraiment à surligner ce qui existe déjà. Ce n'est pas un travail de création.

De plus, il ne faut pas oublier l'argument commerciale derrière ces discours. En effet, un producteur a besoin de vendre son film et de rentabiliser son investissement. Or, il faut bien avouer qu'entre un discours du type "c'était dur, mais le monteur a fait des miracles" et un autre du type "tout s'est passé comme on l'avait prévu", la première proposition attire plus la curiosité du publique.

Enfin, il y a aussi une autre raison, qui vient plus des politiques, c'est la lâcheté (oui, je pousse un coup de gueule). Quand une personnalité politique "dérape" devant une caméra et que ses propos sont repris, il faut bien trouvé un bouc émissaire. Et qui de mieux qu'un monteur a le plus la réputation d'un manipulateur?

1 commentaire:

  1. Et ne pas oublier "c'est la faute du monteur" que sortent trop souvent les réal tv quand ils se rendent compte qu'ils ont mal bossé et qu'ils doivent le justifier. A la télé, le monteur est le fusible désigné.

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