Cette semaine sort sur les écrans Lovelace, un film qui retrace la vie de Linda Susan Boreman, plus connue sous le pseudonyme de Linda Lovelace, actrice devenue première star du cinéma pornographique en un seul film : Gorge profonde.
Gorge profonde raconte l'histoire d'une femme, Linda, qui confit à son médecin qu'elle est frigide et qu'elle n'arrive pas à jouir. Celui-ci découvre que son clitoris se trouve en réalité au fond de la gorge. Dès lors, il lui propose de devenir une thérapeute auprès de ses patients.
Sorti en 1972, Gorge profonde est un des premiers films pornographiques américains a avoir bénéficié d'une distribution en salle. Il est également un des premiers à avoir un scénario construit avec des personnages caractérisés et un développement narratif.
Tourné en six jours avec 50 000$, le film devait à l'origine avoir une sortie confidentiel. Cependant, il eu un succès retentissant en salles, dépassant le clivage des films classés X et sortant dans des salles de cinéma "traditionnelles". Il resta des nombreux mois à l'affiche et aurait rapporté plus de 600 millions de dollars (50 millions auraient été confirmés) Le film est toujours interdit dans certains pays, et a été l'objet de nombreux procès pour obscénité, ou atteinte aux bonnes mœurs.
Pour se préparer à son rôle, et notamment à pouvoir effectuer des fellations intégrales s'en avoir un mouvent de régurgitation, Linda Lovelace s'est entrainé pendant plusieurs mois en s'inspirant des techniques des avaleurs de sabres. Pendant les mois qui ont suivi la sortie en salle aux Etats Unis, de nombreuses femmes ont été victimes de "viol de la gorge", du fait que leur petit ami essayait de leur faire reproduire les exploits de Lovelace.
Le film participa à la libération des mœurs, ouvrant des débats et éclatant des tabous. Il lança aussi la vague du "porno chic".
Suite au succès du film, un Gorge profonde 2 a été produit en 1974, toujours avec Linda Lovelace. Puis un Gorge profonde 3 est sorti en 1989, mais sans aucune des vedettes du film original. Linda Lovelace n'y apparait que par le biais d'archives insérées dans le film. En 1990, 1991 et 1993, trois autres suites sont produites, avec Victoria Paris remplaçant Linda Lovelace.
Pour Linda Lovelace, la suite est moins rose. Elle joue dans quelques films pornographiques et érotiques qui n'auront pas le même succès, et disparait peu à peu des écrans.
Elle divorce alors de Chuck Traynor, son manager et mari de l'époque, et reprend son nom de Linda Boreman, pour s'engager dans le mouvement anti-pornographique. Au cours d'une conférence, elle dénonce pour la première fois les viols et tortures psychologiques qu'elle aurait subi à l'époque du tournage, et devient peu à peu une figure importante du mouvement féministe. Elle est aussi critiquée par le monde de la pornographie, notamment par le réalisateur Hart Williams qui invente l'expression "Syndrome Linda" pour désigner les actrices pornographiques qui renient leur passé et accusent l'industrie pornographique de les avoir exploitées.
Elle publie son autobiographie en 1980 intitulée L'épreuve. Elle y décrit les effets néfastes de la pornographie sur les comédiens. Elle raconte notamment que durant le tournage, Chuck Traynor l'aurait forcée à exécuter certaines scènes du film :
À chaque fois que quelqu'un regarde Gorge Profonde, il me voit en train d'être violée. C'est un crime qui est en train de se dérouler dans ce film ; j'avais un revolver sur la tempe, tout le temps.
Cependant, le réalisateur Gerard Damiano et l'acteur Harry Reems ont affirmé que Linda Lovelace n'a jamais été forcée de participer au film et qu'il n'y a jamais eu d'armes à feu sur le plateau.
Linda Boreman finit sa vie sans le sou. Elle était secrétaire le jour et femme de ménage la nuit. Elle décède en 2002, d'un accident de voiture. La légende veut qu'elle ait revu Gorge profonde quelques mois avant sa mort, et qu'elle ait déclaré "Tout ça pour ça!".
Gorge profonde est devenu emblématique, au point où sa notoriété a dépassé le monde du porno. Bob Woodward, journaliste du Washigton Post, a ainsi surnommé son informateur Gorge profonde, car il avait "la voix de quelqu'un qui fume, boit du whisky et lit". On n'a appris qu'en 2005 l'identité réelle de celui qui était à l'origine du scandale du Watergate : Mark Felt, ancien n°2 du FBI.
Plus tard, Gorge profonde fut aussi le surnom de l'informateur de Fox Mulder dans la série X-files.
En 2005, un documentaire de Fenton Bailey et Randy Barbato, Inside Deep Throat, met en lumière l'écart entre les modestes intentions du film et l'énorme impact sur la société américaine, et notamment sur l'évolution des moeurs.
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