Avoir plusieurs cordes à son arc



En tant que monteur truquiste il m'est arrivé à de nombreuses reprises d'entendre la fameuse phrase "Quand on est monteur, on reste monteur. Le montage, c'est un métier. Truquiste, c'est un autre métier. Il ne faut pas faire les deux métiers. On ne peut pas faire correctement deux métiers en même temps". N'importe quel monteur truquiste qui se respecte l'a déjà entendu au moins une fois dans sa carrière.

Ce à quoi je réponds : "Au nom de quoi on devrait cloisonner les métiers uniquement en post-production?". Car c'est bien là que j'ai du mal à comprendre le raisonnement. En post-production, on devrait pratiquer un seul et unique métier. Mais ce n'est absolument pas aberrant quand, par exemple, un réalisateur est aussi scénariste, ou producteur, voire acteur (quand ce n'est pas tout en même temps).

Si on se penche sur le passé, l'histoire du cinéma est émaillée de personnes (généralement des réalisateurs) qui sont sur plusieurs postes à la fois. Non seulement cela ne gêne personne, mais en plus ces personnes sont acclamées pour leurs travaux, à la fois par la critique et le public.

John Ottman, à la fois monteur et compositeur des films
de Bryan Singer (à l'exception du premier X-Men)


Par exemple, il y a Luc Besson qui peut être à la fois réalisateur, producteur, scénariste et cadreur. Qu'on aime ou non ses films, il faut reconnaître que techniquement, ils sont proches du sans faute (quasi-absence de faute de raccord, pas de plan flou... ). Mais la réponse est alors "Oui, mais c'est avant la post-production" (quand ce n'est pas une critique anti-Besson non argumentée, du genre "ouais, mais c'est Besson. Il tue le cinéma français"). Okay, je ne vois pas pourquoi la post-production serait un domaine à part, mais soit. Jouons le jeu.

On a des réalisateurs comme Clint Eastwood ou John Carpenter qui sont à la fois producteur, scénariste, réalisateur et musicien (John Carpenter a également déjà officié en tant que monteur). La réponse qui arrive le plus souvent est : "Oui, c'est bien, ce qu'ils font, mais ils n'ont rien apporté au cinéma". Okay, donc en plus de bien travailler, il faut aussi apporter quelque chose au cinéma (notez bien que ceux qui exercent un seul métier sont exemptés d'une contribution significative au cinéma). Très bien, continuons de jouer le jeu.

Qu'en est-il de cinéastes comme Jean-Luc Godard (A bout de souffle) et Sergueï Eisenstein (Le cuirassé Potemkine) qui, en plus d'exercer plusieurs métiers (dont celui de monteur) ont aussi contribué à des nouveautés en montage?

"Oui, mais ça ne touche pas au montage et aux trucages".

Alors, prenons l'exemple de James Cameron. Sur un seul et même film, il peut être à la fois réalisateur, producteur, scénariste, concepteur illustrateur, cadreur, maquilleur sfx, décorateur, monteur et technicien sfx. Et qui peut dire que ses films sont mal montés et/ou mal truqués?

Pour ma part, je suis post-producteur généraliste. Je suis monteur, truquiste, infographiste 2D et 3D, étalonneur, ainsi que formateur (occasionnellement). Je ne sais pas si un jour, j'apporterai quoi que ce soit de nouveau au montage, mais j'aime travailler. J'aime la post-production. Vu qu'on me rappelle régulièrement et qu'on me recommande, j'en déduis que je ne suis pas mauvais. Quand on sait faire, qu'on est bon et qu'on prend du plaisir à s'investir, il n'y a pas à s'en priver. Et si ça ne vous plait pas, garder votre avis pour vous. Après tout, vous ne me demandez pas mon avis avant d'accepter un emploi.

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