Le statut de l'intermittent



C'est une polémique qui a lieu de façon récurente : les intermittents du spectacle fraudent, abusent du système, touchent des sommes astronomiques sans travailler (ou peu) et sont responsables du déficit de l'assurance chômage, voire de l'économie du pays. Est-ce vrai?
Le 13 février 2014, le MEDEF proposait de supprimer le statut de l'intermittent du spectacle. En réponse, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, prenait la défense des intermittents et accusait de MEDEF de vouloir "tuer la culture".

Prenons le problème à sa source avec la première vraie question : qu'est ce qu'un intermittent du spectacle?

Le site Wikipedia propose comme définition :
Un intermittent du spectacle est en France un artiste ou technicien qui travaille par intermittence (alternance de périodes d'emploi et de chômage) pour des entreprises du spectacle vivant, du cinéma, et de l'audiovisuel et qui bénéficie, suivant des critères de nombres d'heures travaillées et de métiers exercés, d'allocations chômages plus favorables que le régime général. Il y avait 9 060 allocataires en 1984, 41 038 en 1991 et 105 826 en 2009.

L'intermittent du spectacle doit justifier d'un certain nombre d'heures travaillées sur une période définie pour pouvoir bénéficier d'indemnités chômage, calculées d'après les revenus perçus.

Concrètement, pour bénéficier des indemnités de chômage versées par l'Assedic, l'intermittent doit travailler 507 heures (soit à peu près 3 mois de travail à 8 heures par jour) au cours des 319 derniers jours pour les artistes ou des 304 derniers jours pour les ouvriers ou les techniciens, ce qui représente 10 mois. Il est à noter que certains artistes travaillent à perte sur des périodes parfois importantes et non rémunérées : répétitions, montages de projet, représentations uniques et autres démarches.

De plus, il est d'"usage" également que des artistes et techniciens "ne comptent pas leurs heures". Un technicien peut travailler entre 12 et 16 heures par jour (parfois plus) en étant payé et déclaré 8 heures (parfois 12) car la rémunération est basée sur une journée de travail de 8 heures déclarées.

A titre personnel, j'ai déjà travaillé 28 heures d'affilée en étant déclaré 8 heures.

C'est en 1936 qu'est créé le statut de l'intermittent à employeurs multiples, pour les techniciens et les cadres de cinéma. En effet, à l'époque, les producteurs avaient des difficultés à trouver des ouvriers et artisans, ceux-ci préférant un salaire fixe dans une entreprise plutôt qu'une succession de contrats à court termesans aucune indemnité durant les périodes de creux.

En 1969, les artistes interprètes et les technicien du spectacle vivant rejoignent ce régime.

En 2003, un petit séisme a lieu dans le paysage des intermittents du spectacle. Le 26 juin 2003, un accord est signé entre le MEDEF et les syndicats afin de modifier les annexes 8 et 10 (Les annexes 8 et 10 de la convention de l'assurance chômage établissent les règles concernant les indemnités chômage pour les intermittents du spectacle. L'annexe 8 concerne les ouvriers et techniciens de l'édition d'enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle vivant. L'annexe 10 concerne les artistes du spectacle : comédiens, musiciens, danseurs…). Depuis, il faut travailler 507 en 10 mois pour être indemnisé 8 mois (auparavant, c'était 507 heures à faire en un an). De très fortes grèves ont eu lieu, avec pour conséquences des perturbations dans les programmes TV (notamment les émissions en directe), ainsi que l'annulation de festivals (Avignon, Francofolies, Aix-en Provence...).


A présent, le MEDEF demande la suppression de ce statut, au motif qu'il "coute cher". Comme l'a si bien dit Romain Cazeaux, "Que représente un déficit de 320 millions d'euros assurant la survie de plus de 100 000 intermittents du spectacle, face aux 20 milliards de crédit d'impôt aux entreprises sans effet sur la politique de l'emploi ?" Ce dernier n'a pas hésité à lancer une pétition pour demander la suppression du MEDEF. Si de son propre aveux, le but était plus de souligner la bêtise du MEDEF, sa pétition a été très suivie et a déjà récolté 25 000 signatures.

Le CIP IDF répond avec ses propositions par sa Riposte n°3



Rappelons que cette attaque du MEDEF ne vise pas la culture en générale, mais juste une partie du monde culturel. Elle n'atteint pas les peintres, écrivains, sculpteurs, auteurs, créateurs, compositeurs ... qui eux ne relèvent du régime et des annexes 8 & 10.

Quand on s'attaque à l'intermittence, par contre, on s'attaque au théâtre, au cinéma, à la radio, à la musique, au chant, à la télévision, aux divertissements ... et aussi n'en déplaise aux patrons du MEDEF, à la publicité, la communication d'entreprise, l'organisation d'évènements et même aux universités d'été du MEDEF.



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Pour ceux qui souhaitent en savoir plus :

L'article 8 annexé à la convention du 6 mai 2011
L'article 10 annexé à la convention du 6 mai 2011
La proposition du MEDEF

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